Au milieu de la polarisation politique intense au Brésil et de la croissance des chaînes d'opinion sur les réseaux sociaux, le nom du ministre Alexandre de Moraes est revenu au centre des discussions après des rumeurs concernant d'éventuelles sanctions internationales contre son action au sein de la Cour suprême fédérale (STF).
Les spéculations ont gagné en intensité après la divulgation selon laquelle une supposée lettre du gouvernement des États-Unis aurait été envoyée au ministre, sur un ton d'avertissement, concernant ses « abus d'autorité ». L'affaire a provoqué des réactions véhémentes de la part de commentateurs politiques et d'influenceurs, qui ont commencé à prévoir des saisies de biens, des annulations de visas et même des arrestations, sur la base de la « Loi Magnitsky ».
Pour l'avocatDaniel Toledo, spécialiste en Droit international, docteur en droit constitutionnel et fondateur du cabinetToledo et Avocats AssociésIl est nécessaire de faire preuve de prudence et de connaissances techniques lorsqu'on aborde le sujet. De nombreuses vidéos et publications propagent une série d'erreurs juridiques. La loi Magnitsky, par exemple, a des objectifs très précis. Elle a été créée aux États-Unis en 2012 pour punir ceux impliqués dans de graves violations des droits de l'homme et la corruption internationale. Elle ne s'applique pas automatiquement à toute autorité étrangère, avertit-elle.
Toledo souligne que, même dans les cas où des sanctions sont imposées, comme cela a été le cas avec des autorités russes pendant la guerre en Ukraine, il n'existe pas de lien direct avec des décisions judiciaires internes ou avec des actions politiques d'un pays souverain. Il est important de rappeler que les États-Unis n'ont pas besoin de la loi Magnitsky pour restreindre les visas ou geler des actifs. Le gouvernement américain dispose déjà de moyens administratifs pour cela. Et, jusqu'à présent, il n'existe aucune preuve que ces sanctions soient appliquées aux ministres du STF, observe-t-il.
Le rôle de YouTube et le débat sur la censure
Une partie de la controverse concerne également les décisions du ministre Alexandre de Moraes relatives à la suppression de contenus et de profils sur des plateformes telles que YouTube et X (ex-Twitter). La discussion s'est intensifiée après que l'entrepreneur Elon Musk a défié les décisions de la Cour suprême, arguant que son entreprise ne pouvait pas être pénalisée pour avoir respecté la législation des États-Unis.
Pour Toledo, les plateformes qui opèrent commercialement au Brésil doivent respecter la législation brésilienne. « Si une entreprise étrangère opère sur le territoire national, offre des services et tire profit de la publicité ciblant les Brésiliens, elle est soumise aux lois locales. Cela inclut, par exemple, le Marco Civil de l'Internet et le Code de la consommation. Il en va de même pour les obligations fiscales, la représentation légale et la responsabilité des contenus illicites hébergés sur ses domaines », explique-t-il.
Il rappelle que, bien que les décisions judiciaires puissent être contestées et éventuellement révisées, leur ignorer peut constituer une désobéissance et entraîner des mesures telles que des blocages et des sanctions économiques. L'impasse avec Elon Musk, par exemple, ne concerne pas la liberté d'expression, mais la juridiction. La Cour suprême a compris que la plateforme était utilisée pour diffuser des contenus violant la législation brésilienne, et a exigé des mesures. Discuter de la mesure est légitime. Ignorer complètement, non, souligne-t-il.
Interprétations erronées de la loi alimentent la désinformation
Toledo critique également la manière dont les influenceurs ont interprété des extraits de lois américaines et brésiliennes pour soutenir des théories sur le prétendu encerclement international de Moraes. Il est courant de voir des personnes sans formation juridique prendre des paragraphes isolés et déformer le sens original des normes. La loi Magnitsky, par exemple, ne prévoit pas de sanctions automatiques. Elle exige des enquêtes, des preuves concrètes et un processus rigoureux d'application, analyse-t-elle.
Il remarque qu'Internet est devenu un terrain fertile pour le sensationnalisme. « De nombreux canaux sont plus préoccupés par la monétisation de l'engagement que par l'éclaircissement juridique de ce qui se passe. Ce faisant, ils enflamment la population, créent des attentes irréalistes et contribuent à la méfiance envers les institutions », affirme-t-il.
Un point critique, selon Toledo, est que ce scénario de désinformation finit par provoquer des impacts concrets sur la vie de la population. « Beaucoup de gens commencent à croire qu'un ministre sera arrêté à cause d'une lettre des États-Unis. D'autres pensent qu'il suffit d'obtenir la double nationalité pour ne plus répondre à la justice brésilienne. Ce sont des visions complètement erronées qui ne font qu'alimenter l'instabilité », souligne-t-il.
Il se souvient également que, dans les cas d'une éventuelle procédure contre un ministre du STF devant des tribunaux internationaux, c'est le contribuable qui supporte les coûts de la défense. « Des procès de cette nature coûtent cher. Des cabinets aux États-Unis facturent des tarifs très élevés par heure. Si un ministre brésilien est poursuivi à l'étranger pour son activité officielle, les coûts seront couverts par des fonds publics. C'est le citoyen qui paie cette facture », avertit-il.
La liberté d'expression n'est pas l'anonymat
Enfin, Toledo souligne que la Constitution brésilienne garantit la liberté d'expression, mais interdit l'anonymat. « Toute personne peut s'exprimer librement, y compris en critiquant les autorités. Cependant, elle doit s'identifier et répondre de ses déclarations. Créer des profils falsifiés ou des pages anonymes pour diffuser des accusations sans preuves n'est pas une liberté d'expression. C'est de la lâcheté et, souvent, un crime », conclut-il.
L'avocat soutient que le débat sur les limites du pouvoir judiciaire et de la liberté de la presse est légitime, mais doit être mené avec responsabilité. Il faut plus d'éducation juridique et moins de spectacle. La vérité juridique ne tient pas dans des gros titres enflammés. Elle exige étude, réflexion et engagement envers les faits, conclut-il.